On sait que la minorité de Louis XIV fut troublée par deux guerres civiles, dont la principale cause fut la mauvaise administration des finances, source ordinaire des plus grandes révolutions. Le cardinal Mazarin, qui gouvernait alors la France, sous la régence d’Anne d’Autriche, avait pour surintendant un italien nommé Emeri, dont l’âme était encore plus basse que la naissance, et qui inventait des ressources onéreuses et ridicules.
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Il créa des charges de contrôleurs de fagots, de jurés vendeurs de foin ; on retrancha quelques quartiers aux rentiers ; on augmenta les droits d’entrée ; on créa quelques charges de maîtres des requêtes ; on retint environ quatre-vingt mille écus de gages aux magistrats.
Le parlement de Paris, les rentiers et le peuple s’ameutèrent ; le parlement refusa d’enregistrer les édits des nouvelles taxes, et rendit deux arrêts d’union avec les parlements et autres compagnies du royaume. Mazarin, qui n’avait jamais bien pu prononcer le français, ayant dit que cet arrêt d’ognon était attentatoire, et l’ayant fait casser par le conseil, ce seul motd’ognon le rendit ridicule ; et comme on ne cède jamais à ceux qu’on méprise, le parlement en devint plus entreprenant.
La reine et le cardinal résolurent de faire enlever trois des magistrats les plus opiniâtres, Novion-Blancmesnil, président à mortier, Charton, président d’une chambre des enquêtes, et Broussel, ancien conseiller-clerc de la grande chambre ; mais au lieu de les enlever sans éclat, dans le silence de la nuit, le cardinal crut en imposer au peuple en les faisant arrêter en plein midi, tandis qu’on chantait le Te Deum à Notre-Dame, pour la victoire de Lens (remportée par le grand Condé, le 20 août), et tandis que les Suisses de la chambre apportaient dans l’église soixante-treize drapeaux pris sur les ennemis : ce fut précisément ce qui causa la subversion du royaume.
Charton s’esquiva ; on prit Blancmesnil sans peine, et il n’en fut pas de même de Broussel. Une vieille servante, seule, en voyant jeter son maître dans un carrosse, part, ameute le peuple : on ferme les boutiques, on tend les grosses chaînes qui étaient à l’entrée des rues principales ; on fait quelques barricades, quatre cent mille voix crient : Liberté et Broussel.
Pendant la nuit qui suivit l’émeute, la reine fit venir environ deux mille hommes de troupes, cantonnées à quelques lieues de Paris, pour soutenir la maison du roi ; mais dans cette nuit-là même, les factieux se rassemblèrent chez le coadjuteur de Paris, si fameux sous le nom de cardinal de Retz, et tout fut disposé pour mettre la ville en armes. Le chancelier Seguier allant au parlement pour casser tous les arrêts, et même interdire ce corps, le peuple arrête son carrosse et le renverse ; le chancelier put à peine s’enfuir avec sa fille, la duchesse de Sully, qui malgré lui l’avait voulu accompagner ; il se retira en désordre dans l’hôtel de Luynes, pressé et insulté par la populace.
Le lieutenant civil vient le prendre dans son carrosse, et le mène au Palais-Royal (habité alors par la famille royale), escorté des deux compagnies suisses et d’une escouade de gendarmes ; le peuple tire sur eux, quelques-uns sont tués ; la duchesse de Sully est blessée au bras ; deux cents barricades sont formées en un instant. On les pousse jusqu’à cent pas du Palais-Royal.
Tous les soldats, après avoir vu tomber quelques-uns des leurs, reculent et regardent faire les bourgeois. Le parlement en corps marche à pied vers la reine, à travers les barricades qui s’abaissent devant lui, et redemande ses membres emprisonnés ; la reine est obligée de les rendre, et par cela même elle invite les factieux à de nouveaux outrages.
Les troubles continuèrent jusqu’au commencement de l’année suivante, et il n’y eut personne qui ne changeât de parti : on vit le prince de Conti, chef des rebelles contre Mazarin, épouser sa nièce ; le prince de Condé ramener le cardinal triomphant dans Paris ; ensuite être mis en prison par ce même cardinal ; enfin le maréchal de Turenne, se séparer du prince de Condé, et donner contre lui la bataille de Saint-Antoine.
(source : france-pittoresque.com)
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